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GRÂCE À DIEU - François OZON

 

Grâce à Dieu

 

Réalisation François OZON - Drame
Avec : Malvil Poupaud, Denis Ménochet, Swan Arlaud
France et Belgique : 2010 - (2h17)


 

LES ABYSSES DU CŒUR HUMAIN

 

« Une fiction basée sur des faits réels » déjà publiquement reconnus :
une énorme affaire de pédophilie, due à un prêtre chaleureux et très apprécié,
douloureusement mise à jour par les victimes elles-mêmes,
en dépit de l' omerta qui pèse sur l'Église catholique ainsi que sur les mentalités, y compris dans les familles concernées
et jusque dans l'esprit des victimes, chacune se croyant seule et prisonnière d'un « secret » écrasant…

Un film institutionnel plus ou moins auto-justificatif de l'injustifiable aurait, à juste titre, soulevé un tollé.
Un film militant dénonçant le scandale n'aurait fait guère plus qu'alimenter la polémique.
Le parti pris par François OZON est tout autre, mais follement audacieux tellement il semble hors de portée :
raconter l'histoire sans complaisance…
présenter les personnages dans leurs écrasements, leurs hésitations, leurs révoltes,
leurs revirements, leurs libérations, leurs inconsciences, leurs faiblesses…
Bref : leur complexité.

Eh bien le pari est tenu. Et de quelle manière !
Le pédophile n'est pas qu'un monstre ; il lui arrive d'être émouvant de détresse et de vérité…
L'instant d'un éclair ! Car sa séduction perverse a tôt fait de reprendre le dessus,
et l'on ne voit plus comment il pourrait sortir de sa prison.
L'évêque essaie réellement d'être vrai : il reconnaît les faits… mais pas si facilement.
Il compatit… mais jusqu'à un certain point.
Le souci de l'institution Église reste une pesanteur bien difficile à surmonter jusqu'au bout.
Quant aux victimes, ce ne sont pas des anges, mais quel courage !
Elles se débattent comme elles peuvent avec leur formidable colère,
si puissante qu'elle menace sans cesse de les emporter ou de les détruire de l'intérieur ;
elles se débattent avec leur entourage, lui aussi déstabilisé, avec l'Église catholique, avec les autres institutions.
Elles renaissent en osant parler entre elles et grâce à leur solidarité ; mais leur fragilité demeure.
Pas un seul personnage qui soit caricatural, pas un seul qui ne soit touchant d'humanité en quelque chose.

Comment le cinéaste parvient-il à ses fins ?
De façon très simple, légère même, mais si subtile à mettre en œuvre.
Avec tact et discrétion, il joue beaucoup sur les visages :
un regard, une expression, une attitude, un mot, une larme, un éclat de voix, un geste…
qui en disent long, sans qu'il soit besoin d'insister.
François OZON ne martèle rien. N'explique rien.
Il dévoile les cœurs, ou plutôt nous ouvre une fenêtre sur les abysses du cœur humain
où s'entrecroisent les ténèbres les plus affreuses et les traits de lumière les plus beaux.
Quelle leçon d'humanité !
Je ne sais pas si François OZON connaît Jésus-Christ,
mais le « son » que rend son film s'harmonise magnifiquement avec l'humanité du Christ des évangiles.

Reste une question, redoutable.
Qu'est-ce qui « coince » dans l'institution Église, en dépit de ses sincères intentions et de ses déclarations ?
Je l'ai mieux compris grâce à ce film :
le recours au spirituel, à la prière, au pardon sonnent faux, et deviennent même odieux,
dès l'instant où ils dispensent, pour quelque raison que ce soit, de passer par la justice :
la justice à rendre aux victimes.
Puisse ce film être éclairant pour les hommes et les femmes d'Église.

Jacques Teissier, avec Jacques Poujoulat

ACF-Nimes


 

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